J'ai vu si grand
Ce dimanche 31 octobre ne rime pas avec vacances, ni même comanche. Peut-être boutanche en fin de journée, mais il faudra la mériter !
Une fois de plus ce matin, j’arrive au pressoir en solitaire. Une petite boisson chaude, mon ordi, attablée pour écrire tout ce que nous vivons avant que le jour suivant vienne brouiller les souvenirs de la veille. Le fait est qu’à partir de lundi, je privilégierai le sommeil à l’écriture et c’est plutôt une sage décision.
Ce matin, le lever de soleil s’annonce grandiose. Je rejoins la mare et m’offre ce moment en solo en le savourant et en rendant grâce pour ce que je vis (oui maintenant je rends grâce !). Au lointain, une bande de ciel rougeoyant contraste avec les nuages gris cendrés qui, au fil des minutes, se parent de lumière laissant entrevoir de subtiles vaguelettes rosées. Je prends des photos pour partager. Je rebrousse chemin, le théâtre est lui-aussi baigné de lumière. Un arc-en-ciel très ténu vient même l’encadrer. Que dire… Ressentir plutôt.
Aujourd’hui, pas d’enregistrement. Répétitions exclusivement. Matin : défricher « si grand ». Après-midi : bosser les chœurs de « J’ai vu » que nous enregistrerons le lendemain matin à 1h15 d’ici, un peu plus profondément en Bretagne dans un lieu magique…
« Si grand » est la petite chanson de l’été 2021 mais elle a tout d’une grande. CQFD. Alors qu’après la session 1, je devais acter définitivement les chansons qui allaient faire partie du quarté plus, celle-ci vaguement enregistrée sur mon téléphone portable un après-midi d’été à la Bernerie dans le bruissement des saules pleureurs allait tirer son épingle du jeu face à d’autres plus attendues et plus abouties. Et quand je vois aujourd’hui le résultat, comme je suis heureuse qu’elle en soit !
Suzanne a troqué son violoncelle contre un ukulélé. Jenny son trombone contre son coffre à jouets percussifs. Ludmilla a enfin utilisé le cajon qui déchire. Et moi je joue toujours de la guitare, me prenant désormais pour Brassens, ce qui côté orgueil de musicienne fait sacrément du bien !
Ça commence à sonner. C’est joyeux, ludique, fun, enfantin. Encore une fois, l’esprit est compris par mes comparses. Arrangements pile poil.
Midi calzone, yes enfin ! La fatigue commence à m’étreindre mais les chaises longues sont là. Et le soleil aussi contre toute attente. C’est parfait.
Nous décidons donc de joindre l’utile à l’agréable en installant nos chaises près de la mare pour répéter j’ai vu. Suzanne enlève l’herbe sèche avec une fourche pour visiblement nous aménager un coin… ?! J’immortalise ce moment incongru qui, fort heureusement a échappé à notre hôte Hervé, qui nous aurait vraiment pris pour des citadines.
Nous répétons nos polyphonies au soleil et en plein vent. Après la fourche, nous continuons à manquer de lucidité mais on s’en fout. Joindre l’utile à l’agréable j’ai dit. Ok. On finit par rentrer. Parce que jouer de la gratte dans une chaise longue n’est pas des plus conforts.
« J’ai vu » sera une chanson dans la plus pure épure : guitare voix, dont celle de Jenny que je ne connais pas encore. Être l’instrumentiste « principale » me met une petite pression, il faut l’avouer, mais bon alea jacta est. Ainsi je l’ai souhaitée, ainsi elle restera. C’est d’ailleurs l’unique chanson composée et écrite à la grange-théâtre lors de ma résidence d’écriture en avril, par un matin pluvieux tristoune pour une chanson pourtant plutôt luminescente (je viens d’inventer ce mot qui me plaît).
Je laisse mes collègues répéter d’arrache-pied car je dois reconduire Fabrice notre cuisinier au tram-train. Snif. Finis les bons petits plats italiens. Je jette le cuisto sur le quai à 17h20. Le train part à 17h21. Tout est parfait. Bon pas tout. Car en revenant, j’ai tellement pris la confiance que je m’invente un raccourci qui me mène tout droit dans des chemins creux gorgés d’eau, parsemés de nids de poules et menant à un cul de sac évident : un champ. Les vaches me regardent, stoïques. Je soupire pour ce quart d’heure de rab’, au volant du partner de Jenny dont je me dis qu’il doit être boueux à souhait. Je retrouve enfin mon chemin et croise les filles qui étaient en balade (ça bossait pas d’arrache-pied). Un peu péteuse, je leur demande quid de la carrosserie maculée. Que nenni. Il semble que ce partner soit auto-nettoyant. Tout est vraiment parfait.
Dernière répétition pour affiner : les chœurs sonnent. Ce soir, c’est Halloween ou Samhain mais pas d’enfant qui vive. Une vague idée d’aller gratter deux trois bonbons à Hervé plane mais nous resterons sages, au coin du poêle. De délicieux restes nous attendent et nous nous coucherons tôt. La magie c’est pour demain !