Mixage à la bergerie (part 2)

Je mixe, tu mixes (surtout), nous mixons. Plus les jours passent et plus les journées s’allongent. J’apprécierais presque ce rituel de partir de bon matin, prendre les transports en commun pour rejoindre la voiture partagée et filer à la campagne. J’ai l’impression de vivre comme tout le monde. Parfois, il y a chez moi une forme de satisfaction à vivre comme la masse des gens. Bien que la masse des gens ait des rythmes différents. Mais bon, je me comprends. Peut-être un sentiment de faire partie d’un grand collectif de fourmis qui œuvrent et ne chôment pas, quel que soit le temps ou les circonstances. Je fais part de ce constat à Salomé qui me dit: « ouais genre sur quinze jours, mais pas plus ». Ouais c’est ça ! On se comprend.

Arrivées à la Joue, nous avons aussi nos petits rituels : Gouffy la chienne de la maison nous accueille avec sa collerette de convalescente, coucou à ceux présents dans la maisonnée, allumage de l’ordi, petit café ou thé, puis hop réécoute du morceau fini la veille ou démarrage d’un nouveau, c’est selon. Le reste n’est que dentelle. Niveaux, compressions, réverb, fréquences, équilibre etc..., le mixage est un savant mélange de tout cela et bien d’autres choses encore que Salomé maîtrise à la perfection. Je suis assez scotchée de la voir naviguer avec tant d’aisance sur son logiciel. C’est vraiment un métier. Elle entend des choses que je ne n’entends pas ou pire que je ne comprends pas ! Mais inversement, j’entends, perçois et ressens d’autres choses. Ce qui finalement est assez complémentaire. Et nous avançons ainsi avec nos deux langages qui se croisent et se répondent dans une grande fluidité…

Les pauses sont forcément animalières : poules, brebis, chat. Un matin, j’ai d’ailleurs eu la chance de profiter d’un bug de la carte son pour m’éclipser vers la bergerie et avoir la chance d’assister à la traite avec explications détaillées, ça c'est cadeau ! Ce retour à la terre, alors que nous commençons à avoir la tête farcie d’écoutes, nous fait un bien fou !

Nous sommes mardi 8 février et c’est le dernier jour du mix. Nous définissons un ordre qui nous semble tenir la route (pas du tout celui imaginé lors de l’enregistrement) pour faire une première écoute globale. Nous convions Damien, l’hôte de ces lieux, à nous donner son avis d’ingé son. Intéressant. Nous sommes d’accord, il manque un petit quelque chose sur la voix mais pour le reste, c’est pas loin de la fin. Du détail, de l’infime, mais qui fait toute la différence et laisse ce sentiment que c’est juste, ainsi.

Pour la première fois, je laisse Salomé bosser seule sur les correctifs et je vais bosser moi aussi dans le salon car à vrai dire, il nous manque encore un morceau. Le morceau éponyme de l’album qui est un peu spécial celui-là… Il nous reste un après-midi pour le réaliser. Challenge. Ce mixage et cet album seront une découverte et un mystère jusqu’au bout.

Fin de journée, nuit tombée : un endroit très beau est terminé. Cerise sur le gâteau ou clé de voûte d’un album rêvé. Aussitôt finalisés, les morceaux décollent vers Bruxelles par la magie d’Internet chez Géraldine qui nous fera le vernis sonore final, le fameux mastering.

C’est vertigineux ce timing ! Je crois qu’on a réussi. Grand câlin. Bye bye la bergerie, MERCI Salomé évidemment et la vie aussi.